Katia Chastel
Katia Chastel, gardienne du parfum de Tourrettes-sur-Loup
Dans les hauteurs des Alpes-Maritimes, un village cultive depuis plus d’un siècle une fleur discrète mais précieuse : la violette. Katia Chastel, figure locale engagée, en est la fervente ambassadrice. Entre transmission du savoir-faire, préservation du patrimoine et innovation agricole, elle raconte comment cette petite fleur incarne l’âme de Tourrettes-sur-Loup.
« La passion, c’est préserver le patrimoine de notre village »
Katia Chastel accueille les visiteurs au cœur d’une serre de démonstration atypique. Nichée dans les hauteurs de Tourrettes-sur-Loup, elle n’est pas destinée à la production intensive, mais à l’éducation et à la transmission. Cette serre a été mise en place par la famille Coche, exploitants locaux, en parallèle d'une production bien plus vaste – 5000 mètres carrés – située au-dessus du village.
Le lieu, au-delà de ses fonctions pédagogiques, symbolise l’alliance entre tradition et modernité. C’est ici que Katia partage sa passion : « préserver le patrimoine de notre village ». Et ce patrimoine, c’est avant tout une fleur : la violette de Tourrettes-sur-Loup.
Cultivée depuis la fin du XIXe siècle, elle est aujourd’hui au cœur d’un projet plus vaste : faire vivre un savoir-faire local tout en sensibilisant le public à son importance culturelle et économique. Pour Katia, transmettre l’histoire de cette culture, c’est aussi protéger l’identité de Tourrettes-sur-Loup.
« Un des plus gros patrimoines, c’est la violette de Tourrettes-sur-Loup »
La violette n’est pas qu’une fleur ornementale. À Tourrettes-sur-Loup, elle est un emblème. « Chaque boudin a 40 trous, ce qui fait donc 40 plants de violette », explique Katia, décrivant le système de culture hors-sol utilisé dans la serre.
Cette méthode repose sur l’utilisation de perlite, une roche volcanique italienne légère comme du polystyrène, placée dans les supports de culture. Les plants sont irrigués par des petits tuyaux qui apportent eau et oligoéléments, notamment l’azote, essentiel pour la vitalité de la plante et la coloration des fleurs.
La récolte se fait entre octobre et mars, période durant laquelle les fleurs sont à leur apogée. Cette approche modernisée de la culture permet à la fois de mieux contrôler les conditions de croissance et de réduire l’impact environnemental. Elle reflète une volonté de maintenir la tradition tout en s’adaptant aux exigences contemporaines.
« En 1880, elle est arrivée au village »
L’histoire de la violette à Tourrettes-sur-Loup remonte à 1880. À l’époque, quelques petites parcelles suffisaient à cette culture encore confidentielle. Le tournant décisif intervient avec l’arrivée d’un personnage inattendu : la Reine Victoria. En visite à Bar-sur-Loup, elle tombe sous le charme du village voisin... et de sa fleur emblématique.
Séduite par l’atmosphère du lieu et par le parfum délicat de la violette, la souveraine britannique contribue à populariser sa culture. « Elle a dit : on va cultiver de la violette. Et c’est comme ça que ça a commencé », raconte Katia. Depuis, la violette s’est imposée comme un marqueur fort de l’identité locale.
Cette histoire royale donne à la culture de la violette une dimension presque mythique. Mais elle ancre surtout cette tradition dans un récit collectif, où l’histoire européenne croise la vie d’un petit village de Provence.
« On explique tout sur la violette »
Aujourd’hui, Katia Chastel ne se contente pas de cultiver la violette. Elle en est aussi la narratrice. Grâce à son engagement, les visiteurs peuvent découvrir toutes les facettes de cette fleur : son arrivée au village, sa culture, sa transformation, et ses multiples usages.
Au sein de la serre, un véritable parcours pédagogique est proposé. Katia y détaille les différentes étapes de la culture, mais aussi les produits dérivés issus de la violette. Car au-delà de sa beauté, la fleur possède une valeur économique : confiseries, parfums, eaux de toilette… La transformation artisanale de la violette participe à faire vivre tout un écosystème local.
Ce travail de médiation culturelle est essentiel. Il permet de sensibiliser un large public, de susciter des vocations, et surtout de faire en sorte que la violette ne soit pas reléguée au rang de simple souvenir floral.
« On fait de la vente de produits : confiserie, eau de toilette... »
La violette de Tourrettes-sur-Loup ne se contente pas de fleurir les serres : elle parfume aussi les bonbons, les savons et les eaux de toilette. Cette diversification est un levier économique crucial pour le village. Les produits à base de violette sont vendus sur place, mais aussi dans toute la région, contribuant à faire rayonner Tourrettes-sur-Loup au-delà de ses frontières.
Katia Chastel veille à ce que cette activité commerciale reste fidèle aux valeurs de qualité et d’authenticité. Les produits proposés sont élaborés selon des méthodes artisanales, avec une attention particulière portée aux circuits courts et à la valorisation locale.
Cette économie de niche repose sur un subtil équilibre : produire suffisamment pour faire vivre la filière, sans jamais trahir l’esprit artisanal qui fonde son identité. Là encore, la passion de Katia transparaît dans sa volonté de concilier tradition et innovation.
« Une fleur discrète pour un village résolument vivant »
À travers le portrait de Katia Chastel se dessine une autre manière de penser le développement rural. Loin des clichés d’un patrimoine figé, son action démontre qu’une fleur peut être le point de départ d’un projet global : éducatif, touristique, économique et environnemental.
La violette, discrète mais tenace, devient ici un symbole de résilience et de transmission. Grâce à des figures comme Katia, Tourrettes-sur-Loup affirme son identité tout en s’ouvrant au monde. La fleur embaume les souvenirs, mais elle irrigue aussi l’avenir.
L’engagement de Katia Chastel pour la violette de Tourrettes-sur-Loup dépasse le cadre d’un simple amour des fleurs. Il s’agit d’un véritable combat pour la mémoire collective, la transmission intergénérationnelle, et la valorisation d’un territoire. Dans un monde où les identités locales s’estompent, son action fait figure de modèle.
À Tourrettes-sur-Loup, une fleur raconte une histoire. Et Katia Chastel en est la voix.
BP + IA
30 mars 2025